2007 – 2009 • Gelatin silver bromide print on baryta paper Ilford Warmtone
Le foyer prend une place prépondérante dans la vie quotidienne des personnes âgées. Certaines personnes ne veulent plus quitter leur maison ; d’autres, la quittent pourtant pour rejoindre une maison de retraite. Quels rapports entretiennent-elles avec ces espaces vécus ou récents ? Je me suis proposé de déceler de quelle manière on rend intime un espace, comment on le rend acceptable. Dans Errance, Raymond Depardon a tenté d’explorer la « quête du lieu acceptable ». En se référant à Bruce Chatwin, on peut justement supposer que toute vie n’est alors qu’une errance, quoique limitée temporellement. Cependant, à un moment – dans la vieillesse – nous nous arrêtons. C’est alors que, si nous n’avons pas trouvé un lieu acceptable – on peut l’avoir trouvé et perdu -, nous rendons acceptable ce que nous avons, ce qui, finalement, nous reste.
Vies et espaces. La création et le maintien de repères personnels dans la maison. Le dialogue interieur-exérieur – tréfonds de l’âme et manifestations visibles – qui se traduit dans l’organisation de l’espace. Vies et espaces. Il n’est pas question de choisir un seul type de rapport, ou un seul type de lien : ici c’est tout une période de notre existence qui est touchée. Même âge, différentes situations, origines et pays : personnes âgées de Neuilly (banlieue « riche » de Paris), du quartier populaire Barbès, de maisons de retraités à Bruxelles… Vie et espace.
Toutes ces situations doivent faire face à une absence généralisée et définie, étendue et pointue. Le chez-soi devient alors ce qui lie des temps différents : le temps passé avec ses traces visibles et le présent, c’est-à-dire le quotidien in fieri. Mémoire et conscience du présent se mêlent ainsi dans le chez-soi, comme si ce lieu n’avait qu’une temporalité unique et généralisée, courbée par le passé, et tordue à nouveau par le présent.
Je parle de ce dialogue entre les hommes et cet espace singulier. Un dialogue qui peut paraître achevé, car désormais entièrement enveloppé par la brume de la routine. Mais le dernier mot n’a pas encore été dit car, malgré tout, ce dialogue est vivant et fécond. Il se poursuit ainsi selon divers registres et chaque situation envisagée détient ses codes et son langage propres.